La SACEM peut-elle réclamer une redevance pour les gîtes et les locations de vacances ?
Plusieurs propriétaires de locations saisonnières (gîtes ou locations de vacances) reçoivent actuellement des courriers ou la visite de la SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musiques) leur réclamant une redevance annuelle de 198,01€ HT (soit 223,97€ TTC), au titre des droits d’auteurs et ceux, pour la simple mise à disposition des vacanciers d’un appareil de diffusion-réception dans leurs locations de vacances (téléviseur, radio, chaîne hi-fi…) 😳.
Entre l’offensive de la SACEM, les conditions applicables et ce qui a pu être écrit sur internet (voir le sujet sur notre forum : La SACEM me réclame une redevance pour mon gîte !) plusieurs articles de presse et contributions de juristes ont vu le jour pour nous aider à y voir plus clair.
Malgré la complexité de la situation due au flou juridique concernant les locations saisonnières, nous faisons le point pour vous, à la lumière des éléments factuels aujourd’hui disponibles.
Sommaire
- Que réclame la SACEM aux propriétaires de Gîtes et Locations de Vacances ?
- L’approche et la légitimité de la demande de la SACEM sont-elles contestables ?
- En conclusion, que faire si la SACEM vous demande des droits d’auteurs pour votre location saisonnière ?
- Avis d’un avocat sur la demande de la Sacem
- Pour en savoir plus et vous faire votre propre opinion sur la demande de la SACEM
Que réclame la SACEM aux propriétaires de Gîtes et Locations de Vacances ?
Généralement sous forme de courrier simple, la Sacem (ou une société tiers mandatée par elle), informe le propriétaire (professionnel ou particulier) que le fait de mettre à disposition des vacanciers une télévision ou une radio afin d’améliorer le confort du logement proposé à la location (même pour une nuit !) induit des droits d’auteurs sur les œuvres ainsi diffusées et qu’elle a la mission de les collecter pour les répartir entre les différents artistes.
Dans son courrier, la SACEM informe le propriétaire que pour se mettre en règle, il doit souscrire impérativement une redevance annuelle “hébergement touristique” de 223,97€ TTC. Dans sa générosité, elle “offre” même une remise de 20% pour le propriétaire qui anticipe la démarche de réclamation :
Quoi… ! ?
👉 Une amende en cas de non-paiement !
À défaut de paiement, la Sacem peut envoyer une relance de « mise en conformité juridique » en s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour de cassation… Dans son courrier, la Sacem précise que les propriétaires refusant de payer risquent une amende pouvant atteindre jusqu’à 300.000 €… 😳
L’approche et la légitimité de la demande de la SACEM sont-elles contestables ?
Sur la forme. La réception d’une lettre simple demandant le versement du forfait annuel ne constitue pas un impératif juridique en soi. Néanmoins, un tel courrier ne doit pas être négligé pour autant.
En revanche, sachez que la visite d’un agent mandaté par la SACEM (organisme privé) pour visiter un bien en location aux fins de vérification peut être refusée par le propriétaire ou le locataire.
D’ailleurs, selon un article BFM Immo du 23 juillet 2022, la SACEM a fini par admettre que l’entrée de ses agents dans les domiciles était bien sûr soumise à l’approbation préalable du propriétaire…
Sur le fond. La demande de paiement de la Sacem se fonde sur plusieurs textes, tel que l’a développée la Direction de l’Administration légale et administrative sur son site “Service Public.fr” le 4 août dernier. La Sacem indique que « dès lors que des œuvres protégées sont diffusées – de manière directe ou enregistrée – dans des locaux proposés au commerce, comme l’est une location saisonnière, il y a un acte de communication au public soumis à droit d’auteur ». Elle précise que “le forfait demandé représente 105 à 110 jours de location par an en moyenne, soit 2 € par jour”…
👉 Des droits d’auteurs, oui mais dans certaines situations…
Le paiement des droits d’auteur ne s’applique en réalité que dans certaines situations. Selon un arrêt du 7 décembre 2006 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et l’arrêt CNN de la Cour de cassation de 1994, la SACEM est en droit de réclamer des droits d’auteurs dans les deux cas suivants :
- la sonorisation forcée d’un espace recevant du public :
Seule une sonorisation forcée d’un espace recevant du public peut être soumise à des droits d’auteurs. Par exemple, un bar qui diffuse volontairement la radio dans son établissement “impose” à ses clients l’écoute de production artistique et, à ce titre, rentre dans le cadre évoqué par la SACEM. On est donc en droit de s’interroger sur cette notion de passivité concernant les Meublés de Tourisme où la diffusion d’œuvres artistiques n’est pas imposée aux locataires…
- la réception d’un signal retransmis sur une télévision d’un hébergement :
Un arrêt de la cour de cassation de 1994 précise également que seul un hôtelier (ou équivalent) qui possède un système de distribution d’un signal satellite et l’envoie sur toutes les télévisions des chambres doit payer des droits d’auteur à la SACEM. Là encore, dans le cadre d’une location d’un meublé de tourisme privatisé, à moins d’avoir plusieurs gîtes regroupés sur une seule antenne, on est en droit de s’interroger sur l’interprétation de cette deuxième exception des droits d’auteurs…
Malgré tout, contacté par BFM (dont vous trouverez le lien vers l’article en fin de ce dossier), la Sacem précise que tous les types de logements touristiques sont concernés (hôtels , chambres d’hôtes, campings, gîtes et locations de vacances), sans aucune distinction concernant la période d’ouverture. Que ce soit une location saisonnière proposée quelques nuits par an par un propriétaire non professionnel (en statut LMNP) ou un logement proposé toute l’année par un propriétaire professionnel (en statut LMP), la règle est la même : Pour la Sacem, du moment où des œuvres sont diffusées dans un logement touristique, le propriétaire doit s’acquitter des droits d’auteur donc d’une redevance annuelle sans exception.
On constate que les différentes parties s’appuient sur des jurisprudences différentes pour défendre leur point de vue et que le nœud juridique semble porter sur une interprétation fine des textes.
A la lecture de ces textes et jurisprudences (voir les liens en fin de dossier), nous voyons que la situation n’est pas aussi systématique que ce que la Sacem cherche à nous faire croire dans ses courriers et que le flou juridique demande d’être clarifié.
En conclusion, que faire si la SACEM vous demande des droits d’auteurs pour votre location saisonnière ?
La situation et l’interprétation des textes existants sont bien complexes à l’heure où nous rédigeons ce dossier-flash… Malheureusement, à ce stade, ce flou reste entier pour les propriétaires de locations saisonnières, concernés par cette demande de redevance de droits d’auteurs.
En raison de ce flou juridique sur la question, nous recommandons aux propriétaires approchés par la SACEM de rester prudents et, si possible, d’attendre des développements juridiques plus certains avant d’agir. A tout le moins, si une réponse devait être apportée, cette dernière devrait s’appuyer sur les jurisprudences évoquées dans ce dossier.
A la lumière des évolutions légales ou jurisprudentielles, nous pourrons actualiser les données sur ce sujet dans l’avenir.
Avis d’un avocat sur la demande de la Sacem
Vous pouvez retrouver tous les Tweets de l’avocat Jean-Denis Lefeuvre sur sa page Tweeter “jdl288” où il analyse et dénonce cette pratique très surprenante de la Sacem, qui a malheureusement été reprise par de nombreux médias sans vérification auprès de juristes…
👉 Selon celles-ci et pour faire simple, il conviendrait de différencier la diffusion « forcée » d’œuvres sonorisées d’un espace recevant du public (le cas d’un hall d’hôtel par exemple) d’une mise à disposition « passive » d’un équipement pouvant diffuser des œuvres sonorisées (le cas des locations saisonnières).
Pour information, dans sa communication, l’avocat Jean-Denis Lefeuvre répond ceci à un propriétaire qui lui demande comment réagir à la réception du courrier de la SACEM :
💬 JDL : “Si c’était moi, je répondrais en citant l’alinéa 27 de la directive 2001/29 et cette décision de la CJUE et que je saisirais le procureur de la République pour les éventuelles infractions pénales que peut représenter ce courrier.”
💬 Notez aussi la recommandation de JDL dans son commentaire de ne pas mettre à disposition des CD ou DVD…
Pour en savoir plus et vous faire votre propre opinion sur la demande de la SACEM
Voici quelques liens utiles sur le sujet :
👉 Textes de loi et références
- Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 7 décembre 2006
- Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 6 avril 1994
- Article L122-4 du Code de la propriété intellectuelle
- Article L132-18 du Code de la propriété intellectuelle
👉 Article FIGARO :
“Les propriétaires de locations saisonnières contraints de payer des droits d’auteur à la Sacem”
👉Article BFM :
“La Sacem peut-elle vraiment réclamer des droits d’auteurs aux propriétaires de locations saisonnières ?”
👉Article CLUBIC :
“Faut-il payer la Sacem si vous laissez traîner une radio dans votre Airbnb ?”
👉Article Phonandroid :
“La Sacem réclame des droits d’auteur aux bailleurs mais vous n’êtes pas obligés de payer !”
👉Article Dossier familial :
“Location saisonnière, vous devez peut-être payer des droits d’auteur à la Sacem !”
Bonnes locations !
Benoît / Dominique.
au nom de l’équipe d’administration de LVP Direct
Bonjour; En définitive et si l’on a aucun dispositif de diffusion des œuvres ciné ou musicales chez soi, mais que l’on dispose d’un téléviseur ou radio dans un studio ou chambre attenant loué, on se trouve en légitimité de ne pas payer la SACEM, contrairement à ce qui est annoncé de leur part en dernier paragraphe de leur lettre du 2 mai 2022 ci-dessus…
Ce qui, sommes toutes, m’apparaît comme logique car sinon nous irions réclamer des allocations familiales pour des enfants que nous n’avons pas puisque nous avons tout le matériel pour les avoir… 😉
Bonjour, Quand j’étais agriculteur et qu’au cour d’une discussion entre nous, s’il y en avait un qui émettait l’idée de tenter telle ou telle nouvelle production pour améliorer un peu sa difficile situation, on lui répondait ; “arrête rien que d’y penser tu perds de l’argent!”. À mon avis cette boutade peut tristement s’appliquer à tous les petits porteurs de projet français. Une hyper taxation – tracasserie généralisée grâce au web pour quel résultat économique général et sociétal au final? On peut se poser la question. Au bout de 3 ans d’activité sans les américains et à des tarifs abordables… Lire la suite »
bonjour 2 remarques : je lous 3 gites dans ma résidence principale où bien sûr j’ai la télévision ayant été contacté par la sacem je leur ai répondu que c”est ma résidence principale et que je paye la redevance tv; ils n’ont pas insisté autre remarque : tous les articles parlent de recevoir du “public” or la location d’un gîte est la location meublée d’une personne privée à une personne privée et s’il y a une tv chez une personne tv pourquoi cette personne payerait elle une seconde redevance ? les loueurs de meublés ne payent jamais la sacem alors… Lire la suite »
Merci. C’est important de poser le problème.
Jusqu’à présent, j’avais une télévision dans le t2 pour les vacanciers. Or, j’ai décidé depuis cette année de ne plus en mettre, car ici, en Martinique l’acide diffuse par les algues en putréfaction, détroit les appareils électroniques dont les télévision.
Cette année, mes 3 télévisions ont rendu l’âme. Comment prouver qu’il n’y a plus de téléviseur dans l’appartement ?
Une visite de la SACEM ne prouverait rien… on peut enlever puis déposer la télévision.
Vu le peu de location annuel que je réalise, cela entraînerait un coût trop élevé.
Merci
Bonjour et merci de vous être penchés sur ce sujet. Encore un dossier bien intéressant sur LVP ! Suite à mon inscription au registre du commerce la Sacem m’avait écrit il y a de nombreuses années pour me réclamer la redevance. 200 € à payer par chambre d’hôtes, et non pas pour la maison d’hôtes (j’ai une Freebox avec 2 TV dessus). La Sacem a évidemment un discours prédateur : tout le monde doit payer, les textes le disent et vous risquez gros si vous ne le faites pas. D’autres (Urssaf, RSI etc.) ayant la même attitude se sont pris… Lire la suite »
Merci aux rédacteurs de cette lettre informative. Il apparaît clairement qu’il y a un abus de la SACEM dans l’application et l’interprétation des textes de loi en outre-passant ses prérogatives simples. Encore une méthode cavalière pour soutirer un revenu indirect de la poche des propriétaires… personnellement je suivrais les recommendations de cet article en saisissant le procureur de la république en cas de réception d’un tel courrier tout en faisant un retour d’information sur ce site. Encore merci beaucoup pour votre vigilance.
Cordialement.
Encore un ponctionnement, il va falloir arrêter un jour, car ou ont essaie de passer a travers ou l’ont paye, mais trop de taxes tue les taxes.
Entre les sites américains, la ville et le département, maintenant la SACEM, et bientôt la région, puis le gouvernement, je fais que payer aux autres, les bénéfices se réduisent d’années en années.
c’est bien connue la france le pays ou l’on paye que des taxes, beaucoup trop d’ailleurs.
La solution c’est d’enlever la télé, et la radio.
Merci pour ces informations. J’en conclu qu’à ce stade rien n’est clair concernant l’interprétation de la loi. Personnellement, si je reçois un courrier de la SACEM à l’adresse de mon gite, il ira directement à la poubelle avec le reste de la pub car tous mes courriers officiels (impôts, EDF, Eau…) sont à adresser à mon adresse personnelle.